L’objectif de 2% des PIB nationaux dédiés à la défense défini par l’OTAN a longtemps été un pilier de la sécurité collective. Cependant, compte-tenu du contexte géopolitique actuel et de l’évolution des priorités des États-Unis, il pourrait s’avérer nécessaire de réévaluer ce critère. Alors que de nouvelles initiatives européennes en matière de défense voient le jour, Sierra Tango revient sur les tenants et aboutissants de cet objectif.
LE CRITÈRE DE 2% DE L’OTAN ET L’AVENIR DE LA DÉFENSE EUROPÉENNE: UNE NOUVELLE ÈRE POUR LES DÉPENSES EN SÉCURITÉ?

L’engagement des 2%
Lors du sommet de l’OTAN à Cardiff en 2014, les États membres se sont engagés à allouer au moins 2% de leur PIB aux dépenses de défense afin de renforcer la sécurité collective et la préparation militaire.
Une décennie plus tard, des progrès ont été réalisés, bien que de manière inégale. La pression exercée par les États-Unis et la guerre en cours en Ukraine ont eu un impact positif sur les dépenses de défense européennes: selon Intereconomics (2024), 23 des 32 membres de l’OTAN ont atteint l’objectif des 2% en 2024. En 2024, quatre alliés européens (la Pologne, l’Estonie, la Lettonie et la Grèce) ont dépassé le seuil des 2%, avec des dépenses de défense annuelles supérieures à 3%. Cependant, près du tiers des États membres n’atteignent toujours pas l’objectif initial, mettant en lumière les défis persistants tels que les contraintes économiques, la réticence politique et les perceptions variées des menaces.
En dépit de cette situation disparate, les discussions actuelles sur le critère fixé par l’OTAN suggèrent que les 2% devraient être interprétés comme un seuil minimal plutôt que comme un maximum.
La perspective des États-Unis : des priorités en évolution
Les États-Unis ont longtemps été le pilier de l’OTAN, fournissant bien plus de capacités de défense que les autres États membres. Cela a alimenté les débats sur un partage équitable de ce que d’aucuns qualifient de « fardeau ». Les critiques du président Trump concernant le financement insuffisant de la défense par les alliés de l’OTAN ont exacerbé les tensions. Ces déclarations ont incité les pays européens à reconsidérer leur dépendance vis-à-vis du soutien militaire américain et à augmenter de manière proactive leurs propres dépenses de défense.
Dans ce contexte, le président Trump a réitéré son intention de voir les alliés européens de l’OTAN allouer 5% de leur PIB à la défense, soit une augmentation substantielle par rapport aux niveaux de dépenses actuels (Euractiv, 2025). Bien qu’un tel seuil puisse sembler inaccessible pour de nombreux pays, le message est clair : les États-Unis attendent de leurs partenaires européens des engagements financiers et militaires plus importants.
L’Europe : entre l’OTAN et l’autonomie stratégique
En réponse aux défis en évolution, l’Europe adopte une double stratégie : s’aligner sur les normes de défense de l’OTAN tout en visant simultanément une plus grande autonomie stratégique. L’Union européenne a annoncé une initiative pour renforcer ses capacités de sécurité et dissuader les menaces potentielles d’ici 2030. Cette décision intervient dans un contexte de préoccupations croissantes concernant l’évolution des dynamiques de sécurité à l’échelle mondiale.
La Commission européenne a lancé des efforts pour rationaliser les dépenses de défense et réduire la dépendance à l’égard des partenaires étrangers. Cette réorientation stratégique est essentielle, mais elle a également suscité des critiques concernant les limitations des capacités de défense de l’Europe en l’absence de l’assistance américaine. Cette perspective souligne le besoin urgent d’une intégration plus étroite et d’une meilleure coordination entre les États membres de l’UE afin d’établir une posture de défense robuste et unifiée capable de faire face aux défis de sécurité contemporains.

ReArm Europe’: un tournant?
La Commission européenne a dévoilé l’initiative ‘ReArm Europe’ le 18 avril 2025, un plan global pour renforcer ses capacités de défense et réduire sa dépendance vis-à-vis des alliés externes. Détailée dans le ‘Livre blanc pour la défense européenne – Préparation 2030’, cette initiative vise à allouer près de 800 milliards d’euros pour améliorer la préparation militaire, revitaliser le secteur industriel de la défense européen et favoriser l’innovation. Un composant clé de cette stratégie est la création d’un « Marché unique de la défense », qui cherche à connecter les marchés de la défense entre les États membres de l’UE et l’Ukraine.
L’initiative propose également un programme de prêt de 150 milliards d’euros pour financer les achats de défense dans les États membres de l’UE. Cette approche « Acheter européen » vise à renforcer les industries de défense internes tout en maintenant des partenariats stratégiques avec certains alliés externes.
Malgré la finalité stratégique de cette initiative, des obstacles financiers et politiques demeurent. Comme l’indique The Economic Times (2025), des préoccupations ont été exprimées concernant l’exclusion d’alliés cruciaux des processus d’approvisionnement, arguant que cela pourrait perturber les chaînes de valeur de la défense intégrées existantes et réduire les efforts de défense collaborative.
Alors que les Etats membres débatent de ces dynamiques complexes, le succès de l’initiative ‘ReArm Europe’ dépendra de la capacité à trouver un équilibre entre l’impératif de l’autosuffisance et les réalités des collaborations de défense existantes. Les mois à venir seront déterminants pour savoir si les dirigeants européens pourront concilier ces défis et élaborer une stratégie cohérente pour atteindre les objectifs énoncés dans le cadre ‘Préparation 2030’.
Au-delà de 2% : un nouveau critère de dépenses de défense pour l’OTAN ?
À mesure que les menaces sécuritaires évoluent et que les discussions se poursuivent, un consensus de plus en plus large se forme autour l’insuffisance de l’objectif des 2%. Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a plaidé en faveur d’une dépense de défense dépassant 3% du PIB (Politico, 2025). Cette proposition reflète un changement plus large dans la pensée stratégique, mettant l’accent sur la nécessité d’investissements soutenus dans les domaines de sécurité traditionnels et non traditionnels.
Sous l’influence des exigences de Trump pour une augmentation des dépenses de défense et des préoccupations croissantes concernant les capacités militaires de la Russie, il est probable que les alliés de l’OTAN définissent un nouvel objectif de dépenses de défense lors d’une réunion à La Haye en juin de cette année. Cette décision à venir pourrait être un moment décisif pour l’Alliance, incitant potentiellement les Etats membres de l’UE à renforcer davantage leurs engagements militaires et à renforcer la posture de dissuasion collective de l’OTAN.
Le chemin à suivre
Le débat en cours sur les dépenses de défense met en évidence la nécessité urgente pour les membres de l’OTAN de réévaluer leurs engagements. Bien que le critère des 2% reste un indicateur crucial, l’accent croissant sur des dépenses plus élevées et des initiatives telles que le plan ‘Préparation 2030’ de la Commission indique un passage vers une posture de défense européenne plus robuste et autosuffisante, tant au sein de l’Europe que dans le cadre de l’OTAN. Pour garantir que ces initiatives se complètent plutôt que se dupliquent, une coordination efficace entre les Alliés européens de l’OTAN et les efforts de l’UE sera essentielle pour renforcer la sécurité collective dans un environnement mondial de plus en plus incertain.