LES ACTEURS INSTITUTIONNELS DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE: QUI FAIT QUOI ? 3/3

LES ACTEURS INSTITUTIONNELS DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE: QUI FAIT QUOI ? 3/3

L’Europe de la défense, ce n’est pas une politique de défense, ni la protection d’un territoire. C’est avant tout un projet politique, en constante évolution, visant à affirmer la place de l’Europe dans le monde, au service de sa politique étrangère.

Ce projet s’appuie sur une structure décisionnelle qui permet à l’UE de mener des opérations de gestion de crises, et qui veut désormais soutenir pleinement l’industrie de la défense.

Pour comprendre le fonctionnement de cette Europe de la défense, il faut en connaître les acteurs.

Dans ce dossier, Sierra Tango vous explique le rôle et les compétences des institutions européennes.

Le Parlement européen

Notre troisième article est consacré au Parlement européen, l’organe parlementaire de l’Union européenne élu au suffrage universel direct.

Un rôle principalement de consultation

Les compétences générales du Parlement couvrent trois champs : législatif, budgétaire, contrôle et surveillance démocratique (dont l’expression maximale sont les auditions des candidats commissaires lors de la formation d’une nouvelle Commission européenne).

Grâce à la procédure de codécision, consacrée par le Traité de Lisbonne, confère au Parlement un rôle de législateur d’égal à égal avec le Conseil de l’Union européenne. Ensemble, les deux institutions négocient et adoptent les législations de l’Union, sur la base de propositions de la Commission européenne. Cela concerne aujourd’hui 45 nouveaux domaines législatifs (allant du marché unique aux politiques relatives à la migration, en passant par la justice et la sécurité intérieure).

Cependant, dans le domaine de la politique étrangère, de sécurité et de défense, le pouvoir est aux mains des Etats membres.

Le rôle du Parlement européen est plutôt limité. Lorsque sont décidées l’adoption de sanctions économiques ou visant des personnes, le lancement de missions et opérations de la PSDC ou des orientations politiques pour renforcer les capacités de défense, le Parlement est simplement informé.

Dans ce sens, l’article 36 du Traité de l’Union impose l’obligation de partager régulièrement des informations avec le PE sur les questions de sécurité et de défense de l’UE et otorge à l’institution un mandat de contrôle et de délibération. Concrètement, « le Parlement européen peut adresser des questions ou des recommandations au Conseil ou au Haut représentant. Il tient deux fois par an un débat sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense commune » stipule l’article 36.

Une place limitée accordée à la défense

Preuve du rôle limité accordé par le Traité au Parlement dans le domaine, c’est une simple sous-commission qui est chargée de la Défense et la sécurité (communément appelée « commission SEDE »). Ses marges de manoeuvres sont restreintes par la commission des Affaires étrangères (AFET), qui joue un rôle de tutelle et impose l’agenda.

Il n’en reste pas moins que la sous-commission SEDE organise régulièrement des auditions publiques, échanges de vues, ateliers ou commande des analyses. Les députés effectuent également des visites sur le terrain ou région sur lesquels ils travaillent.

Le moment fort pour le Parlement européen est sans aucun doute l’adoption de son rapport annuel sur la mise en œuvre de la politique européenne de défense et de sécurité, faisant écho au rapport adopté par les Etats membres.

C’est l’occasion pour les députés d’exposer leur vision, de mettre l’accent sur certains sujets et de faire des recommandations.

Dans le rapport adopté le 18 janvier dernier, les députés soulignaient notamment la nécessité d’utiliser pleinement les initiatives et les budgets de l’UE afin « de combler les lacunes en matière de capacités critiques et d’assurer la déployabilité rapide des forces armées, de reconstituer les stocks, de réduire la fragmentation dans le secteur des marchés publics de défense » et de renforcer les chaînes d’approvisionnement de la base industrielle et technologique de défense européenne.

Celui-ci ne fait toutefois pas l’objet d’une grande attention, en dehors de la presse très spécialisée.

Le contrôle budgétaire et industriel comme véritable instrument d’influence

C’est dans les questions budgétaires que le Parlement européen à son mot à dire. Un rôle qu’il a appris à utiliser au maximum de ses capacités. Il négocie notamment, avec le Conseil de l’UE, le cadre financier pluriannuel et son chapitre sur les « relations extérieures » de l’UE ainsi que les budgets annuels.

Pour les aspects industriels ou « marché intérieur », le Parlement joue alors son rôle à part entière dans le processus de codécision sur les textes régissant les marchés de défense, les transferts d’équipements (notamment ceux à usage dual) ou la création d’instruments comme le Fonds européen de la défense (FED) ou l’EDIRPA. Mais dans le cas du FED, c’est la Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE) était la commission désignée (« au fond ») pour la rédaction du règlement.

Ainsi la sous-commission SEDE n’a pas participé au fond, le FED étant ancré sur l’industrie et non sur la défense. Idem pour l’EDIRPA, pour lequel la commission du Budget (BUDG) a pris la main, avec la commission AFET désignée pour avis.

Si la sous-commission SEDE n’a eu aucun rôle à jouer dans le processus législatif entourant des éléments aussi importants que le Fonds européen de défense, cela n’empêche que le Parlement européen dans son ensemble a pesé de tout son poids dans les négociations. Le groupe des Verts/Alliance Libre européenne ont ainsi réussi à interdire le financement de systèmes d’armes autonomes létaux, appelés robots tueurs, par le FED.

RGPD*