LA CONSCRIPTION OBLIGATOIRE, UN RENFORCEMENT DE L’IDENTITÉ NATIONALE ?

LA CONSCRIPTION OBLIGATOIRE, UN RENFORCEMENT DE L’IDENTITÉ NATIONALE ?

Cet article est le deuxième d’une série de quatre articles de Sierra Tango sur l’état de la conscription au sein de l’Union européenne. Le premier article portait sur la tendance récente des pays européens à réintroduire ou à prolonger la conscription en réponse à l’évolution des tensions géopolitiques et des besoins en matière de sécurité.

Alors que le paysage sécuritaire européen continue d’évoluer, le débat autour de la conscription obligatoire a gagné en pertinence. Cet article examine les arguments en faveur d’une conscription nationale ou européenne, en explorant la manière dont elle pourrait renforcer les capacités militaires, contribuer à l’acquisition de compétences, renforcer l’identité et la citoyenneté nationales, et répondre à divers défis logistiques et moraux.

UN MOYEN DE CONSOLIDER LES CAPACITÉS MILITAIRES ET DES COMPÉTENCES

Les défis et menaces sécuritaires croissants à l’échelle mondiale déclenchent régulièrement des discussions sur la nécessité de la conscription, et les bouleversements actuels ne font pas exception, renforçant la nécessité de disposer rapidement de militaires opérationnels en grand nombre.

Face à l’évolution du contexte sécuritaire, la conscription est envisagée comme un moyen efficace de renforcer rapidement les capacités défensives, en augmentant le nombre de soldats qualifiés et en améliorant la préparation face à d’éventuels conflits.

Or de nos jours, la carrière militaire peut être perçue comme peu attrayante, présentant  beaucoup de contraintes pour peu d’avantages. Les jeunes générations sont également vues comme moins patriotes et moins enclines à servir que les précédentes.

A l’inverse, les partisans de la conscription obligatoire estiment qu’à travers le service militaire, les jeunes acquièrent des compétences variées, utiles à la fois pour leur communauté et leur pays. Ils développeraient ainsi des aptitudes sociales, des compétences de survie, une meilleure gestion du stress et une résilience accrue face aux situations de crise.

Selon eux, cette mesure ne doit pas perçue comme une militarisation excessive de la société, ce qui pourrait inquiéter l’électorat de certains pays européens, mais plutôt comme une réponse proportionnée aux défis de sécurité actuels. L’équité dans la conscription doit également être garantie, pour que l’obligation de servir soit répartie de manière juste entre tous les groupes de la population, et que ceux qui disposent de plus de moyens ne puissent pas y échapper.

Enfin, une mesure incitative consisterait à s’assurer que les compétences acquises soient transférables et valorisées sur le marché du travail, ou récompensées d’une certaine manière, pour que le temps passé ne constitue pas un fardeau pour les nouvelles recrues.

UN PILIER POUR RENFORCER L’IDENTITÉ NATIONALE ET LA CITOYENNETÉ

Un argument souvent avancé en faveur de la conscription est son potentiel à renforcer l’identité nationale et la citoyenneté. Historiquement, la conscription a été perçue comme une « école de la nation », inculquant les valeurs nationales aux jeunes, créant ainsi une identité nationale commune et encourageant le sentiment patriotique.

Il est indéniable que la conscription augmente la cohésion nationale et le sens de la responsabilité envers l’État. Elle ne se contente pas d’augmenter le nombre de militaires prêts à défendre le pays, mais favorise aussi le sens de la responsabilité civique, en unissant les citoyens au-delà des différences sociales et culturelles, à travers des expériences partagées qui renforcent la cohésion sociale.

La conscription est profondément liée à la citoyenneté, représentant historiquement un devoir et un honneur pour les citoyens de défendre leur pays. Cependant, cette expérience, intervenant à un moment clé de la vie des jeunes et les éloignant de la société pendant plusieurs mois, peut profondément influencer leurs perceptions de l’État.

Si le service militaire obligatoire renforce les valeurs de service et les obligations civiques envers l’État, une relation d’obligation mutuelle et de pouvoir s’instaure entre l’individu et l’État, où l’individu fait des sacrifices personnels pour la nation, soulevant des questions sur la réciprocité réelle. Parmi les enjeux éthiques cruciaux, on trouve les justifications morales de l’État pour exiger de ses citoyens qu’ils risquent leur vie, et le sens du service militaire en confrontation avec les convictions personnelles des jeunes.

CONCLUSION

Alors que la conscription à grande échelle n’est pas une solution envisageable à l’heure actuelle dans toute l’Europe, des formes plus ciblées de service obligatoire sont sur la table.

La réintroduction de la conscription aujourd’hui doit surmonter plusieurs défis majeurs, notamment l’augmentation des coûts, la logistique complexe et les besoins accrus en personnel pour traiter et former une telle force.

Bien que la conscription puisse renforcer le sentiment national et la cohésion sociale, il semble crucial de prendre en compte les considérations précédemment évoquées, telles que l’équité de la répartition des obligations de service, la perception publique de la militarisation de la société et l’application des compétences acquises dans le monde civil. Le défi pour les pays européens sera de trouver cet équilibre tout en répondant aux menaces sécuritaires contemporaines.

Le prochain article de notre série examinera les arguments opposés de ceux qui considèrent la conscription obligatoire comme une politique dépassée, remettant en cause sa pertinence et son efficacité pour répondre aux besoins militaires et sociétaux d’aujourd’hui.

SOURCES

L’OBSERVATOIRE DE L’EUROPE, CZDEFENCE, ECONOMICS OBSERVATORY, WAR ON THE ROCKS, EURONEWS, DRAGAN STANAR, AJPS

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