La France s’inquiète de la pression économique chinoise en Europe

La France s’inquiète de la pression économique chinoise en Europe

Un rapport de l’Assemblée nationale française met en garde contre l’ingérence de puissances étrangères en Europe, qui cherchent à s’immiscer dans les processus démocratiques et en influencer les décisions en leur faveur.

L’enquête identifie la Russie comme « la principale menace pour les démocraties occidentales en termes d’ingérence » dit sa rapporteure Constance le Grip (Les Républicains/PPE). Ses méthodes incluent l’espionnage, la guerre informationnelle et les cyber-attaques.

Au total « 80 % des efforts d’influence en Europe sont menés par la Russie », prévient Julien Bayou (Écolo-NUPES/Verts), citant des chiffres du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM).

Huawei et ZTE, bras armés de Pékin

Moscou est cela dit suivi de près par Pékin. Les différentes experts et personnalités politiques et académiques interrogées remarquent que la Chine a « de plus en plus recours à des manœuvres agressives et malveillantes pour atteindre ses objectifs ». Ce « au point qu’on peut parler d’une « russianisation » de son attitude », analysent-il.

En plus de son intérêt pour les universités en France qu’elle utilise comme porte d’entrée chez les Français, c’est par son ingérence économique, que Pékin se fait remarquer. Ils lancent notamment une mise en garde contre la présence de l’entreprise de télécommunications étatique Huawei et le développement de la 5G chinoises sur le continent européen.

Huawei, selon Thomas Gomart de l’Institut français des relations internationales (IFRI), « a exercé un lobbying très puissant en Europe, auquel a répondu un contre-lobbying tout à fait explicite ».

« Le régime chinois investit régulièrement dans les secteurs stratégiques afin de mettre nos pays en situation de dépendance dans les domaines les plus importants pour la souveraineté », s’inquiète aussi Raphaël Glucksmann (Place Publique / S&D), euro-député président de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère du Parlement européen.

La Commission européenne, sous la présidence de Ursula von der Leyen, tente depuis quelques années à limiter les impacts de l’ingérence étrangère, en tout genre, dans les affaires de ses États membres.

Les Etats membres sont encouragés à réguler le rôle de entreprises chinoises Huawei et ZTE fournisseurs de 5G sur le continent, car à haut risque.

Un point que Raphaël Glucksmann félicite : « les choses commencent à changer, avec des textes européens relatifs au screening des investissements dans les secteurs stratégiques ». Il regrette néanmoins que « nos autorités ont longtemps fait preuve d’une immense naïveté ».

Nicolas Lerner, la tête de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) remarque que « le domaine du renseignement économique a très significativement progressé en quatre ans et demi :  c’est la fin de la naïveté ».

Après le Qatar, la Turquie ?

L’étendue de l’influence des puissances étrangères dans l’Union européenne a été révélée par l’affaire du QatarGate en décembre dernier.

Impliquant des députés européens accusés d’avoir été corrompus par l’Etat du Quatar, puis du Maroc, l’affaire a pointé du doigt que même les partenaires de l’Union européenne pouvait exercer une pression sur les décideurs haut-placés pour changer le cours de leurs décisions.

En plus de nommer ces deux partenaires, le rapport met en avant le rôle de la Turquie. Partenaire de choix des Européens dans leur volonté de gérer les flux de migrations vers l’Europe, et depuis le début de la guerre en Ukraine dans la médiation avec la Russie, Ankara n’a pas pour autant su montrer patte blanche lors des auditions menées par les parlementaires français.

 

La Turquie, comme l’Iran, « a recours à des stratégies qui incluent des actions violentes ». En plus, elle utilise des pratique qui relèvent de l’« influence », à l’image du Maroc et du Qatar, relèvent les députés.

L’ancien premier ministre français François Fillon, par exemple, a dit avoir été approché par des « responsables religieux » cherchant à exercer une influence sur sa personne et son travail.

De nouveau, la Turquie « s’inspire » de méthodes utilisées par la Russie et la Chine, en mettant à profit les « médias d’État turcs ou médias turcs « alternatifs » pratiquant la désinformation et diffusant chez nous une vision turque pour le moins inamicale à l’encontre de notre pays ; activisme sur les réseaux sociaux avec faux comptes et vrais influenceurs… ».

Les élections européennes inquiètent

Le Parlement européen a également lancé un appel à une stratégie coordonnée à l’attention des capitales, pour éviter contre les tentatives d’ingérences étrangères et la manipulation de l’information au cours des prochaines élections européennes de 2024.

Les membres du Parlement européen attendent des institutions de l’UE et des autorités nationales qu’elles renforcent leur résilience à l’approche des élections, qu’ils considèrent comme un risque d’interférence et de manipulation de l’information, en particulier de la part de la Chine et de la Russie.

Ils recommandent que le réseau social TikTok soit interdit à toutes les institutions gouvernementales et européennes, et exhorte les institutions européennes à ne pas utiliser « d’équipements et de logiciels provenant de fabricants de pays à haut risque, en particulier la Chine et la Russie », citant ByteDance, Huawei, ZTE, Kaspersky, NtechLab ou Nuctech.

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