LA RÉÉMERGENCE DE LA CONSCRIPTION EN EUROPE : TOUR D’HORIZON SUR LA POLITIQUE DE NOS VOISINS

LA RÉÉMERGENCE DE LA CONSCRIPTION EN EUROPE : TOUR D’HORIZON SUR LA POLITIQUE DE NOS VOISINS

La résurgence des tensions géopolitiques, notamment avec la Russie, a incité les pays européens à réévaluer leurs stratégies de défense. Ce changement a conduit plusieurs pays à réintroduire ou à étendre la conscription, reflétant une tendance plus large à l’amélioration des capacités militaires et de la résilience nationale.

Chez Sierra Tango, nous avons mené quatre études approfondies sur la conscription dans l’UE. Elles en présentent un état des lieux à l’échelle de l’Union européenne, évaluent les récents changements de politique et analysent différents modèles de conscription. Cet article présente un examen détaillé de ces recherches, offrant un aperçu de la manière dont différents pays adaptent leurs exigences en matière de service militaire pour répondre aux défis sécuritaires contemporains.

LES ÉTATS MEMBRES QUI ONT MAINTENU OU RÉINTRODUIT LA CONSCRIPTION

Depuis la fin de la guerre froide, l’Europe a connu une stabilité relative, ce qui a conduit de nombreux pays à suspendre ou à abolir la conscription. Cependant, l’invasion de l’Ukraine en 2022 a considérablement modifié le paysage sécuritaire, incitant à se concentrer à nouveau sur la préparation militaire. Les États membres de l’Union européenne, en particulier ceux dont les frontières sont adjacentes à la Russie, réévaluent désormais leurs besoins et leurs stratégies de défense.

Certains pays européens n’ont jamais suspendu la conscription depuis la fin de la guerre froide, maintenant ainsi une tradition de service militaire obligatoire. Ces pays sont l’Autriche, Chypre, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Grèce et les Pays-Bas.

Face à ces préoccupations en matière de sécurité, plusieurs pays qui avaient aboli la conscription sont en train de la réintroduire ou de la prolonger. La Lettonie a rétabli la conscription le 1er janvier 2024, revenant ainsi sur sa décision de l’abolir en 2006. Après la première invasion de l’Ukraine en 2015, la Lituanie a réintroduit la conscription, tout comme la Suède en 2018, après avoir mis fin au service obligatoire en 2010.

Suite à une annonce en mars 2024, le Danemark étendra le service militaire obligatoire aux femmes à partir de 2026. Enfin, en juin 2024, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a proposé un modèle de service militaire sélectif inspiré du système suédois, et qui vise à recruter 5000 conscrits par an à partir de 2025.

DES MODÈLES DE CONSCRIPTION ET DE SÉLECTION DIVERS AU SEIN DE L’UE

Les pays européens adoptent une variété de modèles pour la conscription militaire, reflétant leurs besoins stratégiques et  ressources respectives dans un contexte géopolitique en évolution.

Service militaire obligatoire : Le service militaire obligatoire est en vigueur dans plusieurs pays européens. En Autriche, la conscription est obligatoire pour les hommes, et le maintien de ce système a été confirmé par un référendum en janvier 2013, à l’occasion duquel une majorité de la population a voté en faveur du service militaire obligatoire. À Chypre, la conscription concerne également les femmes, tout comme en Estonie, où le service militaire est obligatoire et peut inclure des obligations gouvernementales pour certains individus. En Finlande, la conscription est en place depuis 1951, et le pays maintient un système de service militaire obligatoire pour tous les hommes. En Grèce, le service militaire est obligatoire pour les hommes, et jusqu’à 50 % de l’armée grecque est composée de conscrits.

Service militaire obligatoire avec dérogation spécifique : Les Pays-Bas ont maintenu la conscription, mais l’obligation de se présenter au service militaire obligatoire a été suspendue en 1997.

Sélection par tirage au sort : Au Danemark, en Lettonie et en Lituanie, les recrues sont sélectionnées par un système de loterie automatisé parmi les jeunes hommes soumis à l’obligation de service militaire obligatoire.

Modèle de conscription sélective :  En Suède, le modèle de conscription sélective choisit les candidats en fonction de leur motivation et de leurs qualifications indépendamment du genre. Actuellement, la Suède enrôle environ 5 500 personnes par an, avec un objectif de 8 000 d’ici 2025. Les objecteurs de conscience peuvent demander un service alternatif non-armé, appelé « vapenfri tjänst ».

Plan de conscription volontaire :  En Allemagne, un modèle sélectif axé sur le volontariat est à l’étude, visant à recruter un nombre limité de conscrits après un processus de sélection rigoureux. Ce plan, prévu pour recruter 5 000 conscrits par an à partir de 2025, sélectionnera les candidats parmi les hommes de 18 ans sur la base de questionnaires et d’examens médicaux. Selon le media Politico, le plan actuellement à l’étude par les législateurs et les partenaires de la coalition demandera à 400 000 hommes de 18 ans de remplir un questionnaire. Parmi eux, 40 000 seront retenus pour un examen médical, et 10 000 seront sélectionnés pour une formation de base.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Le retour ou le maintien de la conscription au sein de l’Union européenne illustre une prise de conscience accrue des besoins en matière de défense face aux menaces actuelles. Que ce soit par des modèles traditionnels ou sélectifs, ces pays cherchent à renforcer leurs forces armées et à garantir la sécurité nationale en période d’incertitude géopolitique. La question de la conscription reste centrale dans le débat sur la sécurité européenne, chaque pays adaptant ses stratégies en fonction de ses besoins et de ses capacités. La semaine prochaine nous aborderons les arguments en faveur d’une conscription obligatoire dans toute l’Europe.

SOURCES

CARNEGIECIACNN, EURACTIV – 1, EURACTIV – 2, EURONEWS, ICDS, POLITICO

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