Les acteurs institutionnels de l’Europe de la défense : qui fait quoi ? 2/3

Les acteurs institutionnels de l’Europe de la défense : qui fait quoi ? 2/3

L’Europe de la défense, ce n’est pas une politique de défense, ni la protection d’un territoire. C’est avant tout un projet politique, en constante évolution, visant à affirmer la place de l’Europe dans le monde, au service de sa politique étrangère.

Ce projet s’appuie sur une structure décisionnelle qui permet à l’UE de mener des opérations de gestion de crises, et qui veut désormais soutenir pleinement l’industrie de la défense.

Pour comprendre le fonctionnement de cette Europe de la défense, il faut en connaître les acteurs.

Dans ce dossier, Sierra Tango vous explique le rôle et les compétences des institutions européennes.

La Commission européenne

Notre second article est dédié à l’organe administratif de l’Union européenne : la Commission européenne.

LE TRAITÉ DE LISBONNE A DOTÉ LE HAUT REPRÉSENTANT D’UN DROIT D’INITIATIVE

Au sein de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), c’est le Conseil européen qui est l’impulseur et l’arbitre final des décisions. La Commission européenne n’a normalement pas de pouvoir d’initiative en matière de défense, mais plutôt un rôle de soutien.

Cependant, le Traité de Lisbonne donne au Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR) un rôle principal sur le plan institutionnel.

Egalement vice-président de la Commission européenne, il lui est conféré une certaine capacité d’initiative. « Chaque État membre, le Haut représentant de l’UE  » — de sa propre autorité ou « avec le soutien de la Commission » — peut « saisir le Conseil de toute question relevant de la politique étrangère et de sécurité commune et soumettre, respectivement, des initiatives ou des propositions au Conseil » explique l’article 30 du TUE.

Le Haut Représentant a un triple rôle : initier les processus, exécuter les décisions « en utilisant les moyens nationaux et ceux de l’Union » (art. 25 § 3), veiller à l’unité européenne (Article 25 § 2).

Il préside le Conseil des affaires étrangères dans sa formation des ministres de la défense, qui est l’organe décisionnel de la PSDC. Il est chargé de présenter des propositions relatives à la PSDC aux États membres. Le VP/HR est le chef du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), cheville administrative de préparation de toutes les décisions du HR ou du COPS.

LA COMMISSION EUROPÉENNE, UN ACTEUR DÉSORMAIS INDISPENSABLE DANS L’ÉLABORATION DES POLITIQUES DE DÉFENSE

Si le SEAE a un rôle clé pour soutenir l’action du Haut Représentant, la Commission européenne a su tirer ses épingles du jeu politique bruxellois et s’attribuer une place de choix parmi les acteurs institutionnels de la défense européenne de par ses compétences budgétaires, ses différents dispositifs financiers comme le Fond européen de défense et la mise en place récente d’une Direction Générale de l’industrie de la défense et l’espace (DG DEFIS).

Cela passe le plus souvent par le processus législatif habituel dans lequel la Commission fait une proposition législative. Puis le Conseil de l’UE (où siègent les Etats Membres) et le Parlement européen négocient un accord final.

C’est en façonnant les textes que la Commission prit la main par exemple dans les propositions pour lutter contre les menaces cyber, la mise en place d’une mobilité militaire, le lancement d’un instrument pour l’achat commun d’armements européens (EDIRPA), ou plus récemment booster les capacités de l’industrie de la défense pour produire les munitions dont l’Ukraine et les armées européennes ont besoin. Un phénomène qui s’accélère avec la guerre en Ukraine.

Par ailleurs, la Commission européenne n’a pas cédé à l’Agence européenne de défense (AED) le contrôle des aspects économiques de la défense. Elle s’est particulièrement illustrée, à travers le Plan d’action européen pour la défense et le Fonds européen de défense, ce dernier empiétant clairement sur la mission de l’AED consistant à stimuler la recherche et développement en matière de défense.

La Commission européenne s’est donc progressivement imposée comme un acteur incontournable de l’Europe de la défense. Comme le souligne Fabian Terpan dans son essai « La relance du projet européen au-delà du contrôle des Etats »:

« l’idée que les institutions intergouvernementales exercent un contrôle sur le système institutionnel à tout stade du processus décisionnel est discutable. Plusieurs décisions ont partiellement échappé au contrôle des États, en particulier la rédaction de la Stratégie globale, largement influencée par le SEAE, ou le lancement du Fond européen de défense, qui doit beaucoup au travail de la Commission ».

Une impulsion donnée par Jean-Claude Juncker puis Ursula von der Leyen

Si l’idée d’une Europe de la Défense est présente dans plusieurs propositions de la Commission dans le temps (notamment une communication pour l’industrie de la défense de juillet 2013), c’est sous la présidence de Jean-Claude Juncker (2014-2019) que l’impulsion est donnée.

Son « plan d’action pour la défense européenne » (EDAP) de novembre 2016 pose déjà les bases des projets actuels. Il est suivi d’un Libre blanc en mars 2017, puis de recommandations stratégiques en mai 2019 visant à « progresser vers une véritable » union européenne de la défense pour que la coopération en matière de défense au sein de l’UE devienne la norme, et non l’exception.

Quelques mois plus tard, en septembre 2019, sa successeur Ursula von der Leyen (2019-…) décide de poursuivre le chemin. « Il faut continuer à travailler pour développer l’Union de la sécurité et de la défense. Cela va être une tâche de cette Commission. Car je veux, quand il y a une crise et que l’UE est d’accord d’agir, qu’elle dispose des procédures et des moyens d’agir ».

En 2021, elle est encore plus claire. « Ces dernières années, nous avons commencé à développer une sorte d’écosystème de défense européen, mais ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’une Union européenne de défense. »

RGPD*