Les temps forts de la défense européenne en 2023

Les temps forts de la défense européenne en 2023

Si 2022 a été un tournant pour l’Europe de la défense, le sujet restera au plus haut de l’agenda européen de l’année à venir, comme le montraient les conclusions du Conseil européen de décembre dernier. Sierra Tango fait le point sur les différents éléments à prendre en compte. 

Garder la vue sur les défis à long terme 

L’assistance sécuritaire à l’Ukraine et les tensions industrielles avec les Etats-Unis seront tout aussi essentielles que la capacité des Européens à ne pas oublier leurs projets à long terme, ni les menaces qui viennent de son flanc sud.  

Augmenter le plafond de la Facilité européenne de paix ?

La facilité européenne pour la paix, mise en place très discrètement en juillet 2020, sort totalement transformée de 2022. Prévue pour financer avec prudence l’équipement (surtout non létal) des pays tiers, elle est devenue l’instrument principal de fourniture d’armes létales à l’Ukraine. En dix mois, 3 milliards d’euros ont été engagés. Un engagement si intense qu’il a nécessité une augmentation du plafond de la Facilité, avec toutefois une ambition limitée en raison de désaccords entre les Etats Membres. Une nouvelle révision des plafonds pourrait être au cœur des débats en 2023 si la guerre se poursuit et avec elle, le rythme de l’aide européenne. D’autant que les besoins d’autres partenaires (Niger, Mozambique etc) ne diminuent pas. 

L’ambition de la boussole stratégique à l’épreuve 

En mars 2023, l’UE fêtera le premier anniversaire de la Boussole stratégique. Ce livre blanc de la défense européenne est accompagné d’une feuille de route avec des objectifs précis à atteindre d’ici 2030 dont certains doivent déjà être atteints en 2023. Outre une mise à jour de l’analyse des menaces, la présidence suédoise du Conseil de l’UE prévoit, durant le premier semestre, d’avancer les discussions sur la mise en place de processus décisionnels plus agiles pour la PESC et la PSDC, notamment l’option du vote à la majorité qualifiée. Le second semestre sera marqué par une première vague d’exercices réels de l’UE pour sa capacité de déploiement rapide.

Préserver la relation transatlantique 

Si la guerre en Ukraine a rapproché l’UE et l’OTAN, la troisième déclaration conjointe UE – OTAN (signée en ce début d’année) laisse penser que les deux institutions ne sont pas totalement alignées. Malgré son engagement envers la sécurité européenne et l’Ukraine, les US restent tournés vers la Chine et exigent des Européens qu’ils fassent davantage, notamment sur la résilience de leurs infrastructures. Tout en refusant de se voir exclus des projets européens comme la PESCO ou l’EDIRPA. 

 Regarder à nouveau vers le voisinage sud 

L’appel de février 2021 de la Commission européenne à relancer le partenariat avec le voisinage du sud n’a pas été suivi d’effet, notamment car toute l’attention à été portée sur le flanc est de l’Europe. En 2023, l’UE va probablement être rappelée aux menaces et urgences croissantes du voisinage sud, qu’il s’agisse de l’instabilité croissante dans le Sahel causée par la menace terroriste, des famines d’une ampleur considérable en Éthiopie et en Somalie, ou encore des possibles reprises des conflits au Yémen et en Syrie. En parallèle, va se poser la question du futur des missions et opérations de la PSDC dans ces régions.

Stratégie maritime 

Parmi les sujets à surveiller, il y aura aussi la publication de la stratégie de sûreté maritime de l’Union européenne par la Commission européenne, annoncée le 8 mars 2023. Actualisant la stratégie actuelle remontant à 2014, le nouveau document doit notamment clarifier l’ambition européenne en termes de sécurité maritime dans l’Indo-Pacifique, et aussi la volonté des Européens de s’engager — ou non — dans des contextes géopolitiques marqués par des tensions accrues. 

Donner un impetus à la souveraineté industrielle 

Depuis 2017, l’Union européenne pose les bases pour une coopération transfrontière et à l’échelle de l’UE en matière de Recherche et Développement dans le domaine de la défense avec la PESCO et le Fond européen de défense. Il s’agit désormais de passer à la vitesse supérieure pour renforcer durablement la base industrielle de la défense européenne (BITDE) touchée par l’effort de soutien à l’Ukraine et les tensions avec l’allié américain. 

La coopération structurée permanente 

Le faible engagement des 27 explique en grande partie les progrès trop modestes de la PESCO (coopération structurée permanente qui permet une coopération simplifiée pour des projets industriels, capacitaires ou opérationels) cinq ans après son lancement. Le dernier rapport de progrès produit par le Haut représentant de l’UE en juillet 2022 est d’ailleurs assez négatif.

L’année à venir sera l’occasion pour les Etats membres de mettre en place les recommandations : mieux coopérer en commun, contribuer davantage aux missions/opérations de la PSDC, mieux tenir les engagements pris en commun, avoir des projets PESCO plus efficaces. 2023 sera aussi l’année de l’intégration de nouveaux pays tiers aux projets PESCO, spécialement la mobilité militaire.  

Le Fond européen de la défense à plein régime 

Adopté en avril 2021, le Fond européen de la Défense, destiné à financer la recherche et le développement de programmes industriels européens, fonctionne désormais à plein régime. Pendant les six prochains mois, les experts de la Commission européenne devront sélectionner la seconde vague de projets, selon un processus en trois étapes (recevabilité, évaluation technique et délibérations).

En parallèle, une partie du personnel doit préparer les prochains appels à propositions et le programme de travail pour 2023 (attendu au printemps).

La naissance de l’EDIRPA 

2023 devrait par ailleurs voir la naissance du fonds pour l’acquisition en commun de matériels de défense (EDIRPA en anglais), imaginé en réaction notamment à la fonte des stocks européens pour soutenir l’Ukraine. La Commission européenne proposait en mai 2022 de le doter d’un budget de 500 millions d’euros pour deux ans. Si les Etats membres ont déjà adopté leur position, le calendrier a déjà été repoussé et reste cependant incertain.

L’objectif est d’avoir un accord avant la fin de l’année, mais les trilogues s’annoncent tendus alors que les premières délibérations du Parlement européen pointent un risque de diminuer la seconde dimension de l’EDIRPA, celle de l’investissement dans la base industrielle européenne. D’autant que la tendance n’est pas à l’achat de matériel européen comme le voudrait l’EDIRPA, devant devenir une clé de l’autonomie stratégique européenne. L’Allemagne, comme la Finlande, ont récemment fait le choix des avions de combat américains. 

Poser de bonnes bases pour l’EDIP

La forme finale qui sera donnée à l’EDIRPA est essentielle car elle posera les bases d’un outil de suivi appelé programme européen d’investissement dans la défense (EDIP), qui se concentre sur le long terme avec un budget plus important. La proposition de la Commission européenne est attendue en juin 2023, pour lancer ensuite les négociations internes des co-législateurs.

Selon les premières informations, le futur règlement devrait réduire davantage les obstacles aux acquisitions conjointes grâce à une exemption de TVA. L’exemption n’étant accordée qu’aux programmes de passation de marchés présentés par un consortium européen de capacités de défense composé d’au moins trois États membres pour acquérir des capacités développées en collaboration au sein de l’UE.

RGPD*