L’urgence en Ukraine donne forme à l’art du compromis

L’urgence en Ukraine donne forme à l’art du compromis

Les 27 chefs des États membres de l’UE ont validé le rehaussement du budget défense de l’Union européenne pour les années à venir et un paquet conséquent d’aide financière à l’Ukraine, préservant ainsi l’unité européenne face à la Russie.

Le « We have a deal » de Charles Michel, le président du Conseil européen, a été accueilli avec grand soulagement.

Trouvé à l’unanimité, cet accord débloque une aide que l’Ukraine redoutait ne pas recevoir. Le fonds de €50 milliards pour Kyiv est une partie importante de l’aide que le pays en guerre attend de ses alliés, alors que son administration n’est plus en capacité de faire fonctionner le pays, notamment pour payer le salaire de ses fonctionnaires.

Le compromis des 27 a également permis une révision à la hausse du budget européen, notamment pour la défense et la gestion des flux migratoires.

Symboliquement, cet accord se veut être la preuve que l’Union européenne fonctionne au compromis, et que l’unité résiste malgré la pression générée par la guerre en Ukraine. La crainte d’un échec faisait peser la menace d’un blocage politique interne à l’Union. La division apparue ces derniers mois entre le premier ministre hongrois Viktor Orbàn et les 26 autres leaders a mis en évidence d’importantes dissensions entre cet État membre et les fervents défenseurs de Kiev.

Preuve de l’importance de l’évènement, le sommet a été qualifié de « showdown » par différents médias dont le Financial Times, Politico et Euractiv avant le lever de rideau.

Convaincre par le compromis

Si le Conseil européen extraordinaire du 1er février était considéré par les diplomates et politiques comme la réunion de la dernière chance, c’est parce que les négociations duraient depuis plusieurs mois. Le leader hongrois venu de Budapest avait déjà refusé en décembre, lors du Sommet européen précédent, d’approuver la création du fonds pour l’Ukraine, et mis à mal l’accord sur le paquet total du budget de l’Union.

Les semaines précédentes ont donné lieu à d’intenses négociations et d’appels du pied de chacune des parties, mais aussi à des menaces sur l’économie hongroise, selon des informations du Financial Times.

De son côté, Budapest insistait pour introduire un vote régulier sur le déboursement de l’aide à l’Ukraine. Au début des négociations, il était difficilement envisageable pour la plupart des États membres d’instaurer un mécanisme de suivi de l’aide pour le déboursement à Kiev et ce qu’ils voyaient comme un ‘droit de veto’ offert à la Hongrie.

Mais l’insistance des deux parties a obligé la totalité des États membres à chercher une solution et un compromis satisfaisant pour tous.

Une solution à 26 évitée

Dans les conclusions finalement adoptées, les 27 chefs d’État et de gouvernement ont décidé que « sur la base du rapport annuel de la Commission sur la mise en œuvre de la facilité en faveur de l’Ukraine, le Conseil européen tiendra chaque année un débat sur la mise en œuvre de la facilité en vue de fournir des orientations, » sans prévoir la tenue d’un vote.

Une seconde clause « de rendez-vous » est prévue. « Si nécessaire, dans deux ans, le Conseil européen invitera la Commission à présenter une proposition de révision dans le cadre du nouveau [budget européen] ». Toute révision de la somme de €50 milliards se ferait alors à l’unanimité.

En échange, la Hongrie a obtenu une référence à un accord de l’Union européenne qui assure que le mécanisme de conditionnalité de déversement des fonds européens aux États selon leur respect des valeurs démocratiques de l’Union traiterait tous les États membres de la même manière.

« Certains y voient un signe fait par les États membres à la Commission européenne pour débloquer une partie des 10 milliards d’euros retenus à la Hongrie pour des raisons liées [au non-respect] d’État de droit, ou du moins d’être plus indulgents à l’égard des échéances strictes que Budapest doit respecter, » selon Euractiv.

Sans accord sur ce texte, les États membres auraient dû créer un mécanisme à 26, sans Budapest.Ce « Plan B » impliquait pour les 26 Etats membres d’envoyer de l’aide à l’Ukraine hors du cadre de l’Union européenne. Ce système aurait cependant été « plus lourd et aurait soulevé des questions quant à la capacité de l’Union à présenter un front uni », écrit Bloomberg.

Cet accord tenait en haleine l’accord global sur la rehausse du budget européen, à laquelle l’aide à l’Ukraine était lié. Les négociations sur le paquet pour l’Ukraine se sont achevées au Parlement européen la semaine suivante, le lundi 6 février, ouvrant ainsi la voie à des déboursements dès le mois de mars.

Feu vert pour la plateforme STEP

L’accord du 1er février a aussi permis aux 27 de fixer leur position sur le nouveau fonds de souveraineté STEP (Strategic Technologies For Europe Platform) qui bénéficiera au Fonds européen de défense (FED) à hauteur de €1,5 milliard.  Ici encore, un accord avec le Parlement européen a été trouvé en quelques heures, dès le mardi 7 février.

La perspective des élections européennes encourage les co-législateurs à trouver rapidement un accord pour permettre, après les différentes procédures légales d’usage, une adoption formelle d’ici le mois de mai et un déboursement des fonds au plus tôt.

RGPD*