Une amitié qui coûte cher

Une amitié qui coûte cher

Comme tous les scandales qui portent bien leur nom, le QatarGate aura fait des vagues bien plus loin que dans la seule bulle européenne.

Moins d’un an après l’affaire, les euro-députés ont entamé une profonde refonte des règles de transparence de leur institution, garante de la légitimité démocratique européenne.

Réunis en plénière dans la ville française de Strasbourg la semaine dernière, les députés ont approuvé, à 505 voix pour, 93 voix contre et 52 abstentions, la révision du règlement intérieur du Parlement en vue « de renforcer l’intégrité, l’indépendance et la responsabilité du Parlement européen ».

L’efficacité des règles adoptées sera l’unité de mesure pour juger de l’avancée démocratique de l’institution pour les années à venir.

Encadrer des relations hors de contrôle

Voté en plénière le 7 Septembre dernier sur la base du plan de réforme en 14 points présenté par la Présidente Roberta Metsola en début d’année 2023, le texte prévoit une longue liste de nouvelles mesures restrictives s’appliquant aux députés européens.

Parmi celles-ci, l’obligation de déclarer leurs ressources avant d’entrer en fonction ainsi qu’à la fin de la mandature ; une mesure déjà en place pour les députés français notamment. Les parlementaires devront déclarer tous leurs rendez-vous avec des représentants d’intérêts extérieurs, tout comme refuser les cadeaux reçus dont la valeur excède 150 euros. Le pantouflage et les contacts avec d’anciens collègues devenus lobbyistes est également interdit.

Un autre volet important répond aux polémiques révélées par le Qatargate  en encadrant les activités des « groupements non-officiels », également appelés « groupes d’amitié ».

Ces clubs informels, « parfois parrainés par des lobbyistes ou des gouvernements étrangers, ne sont pas des organisations officielles du Parlement européen », dit l’institution elle-même sur son site.

A l’heure actuelle, leur nombre n’est pas référencé, leurs activités ne sont pas documentées. Mais les députés qui en font partie les envisagent comme une manière d’organiser des rencontres, nouer des liens et d’en apprendre davantage sur un pays, au- delà des salles de commissions et de réunions teintées de discours officiels.

En décembre 2022, le scandale du Qatargate, impliquant 4 députés européens, avait éclaté quelques jours à peine avant la libéralisation de la politique d’octroi des visas européens aux citoyens de l’État du Golfe.  Aujourd’hui encore, le groupe d’amitié est soupçonné d’avoir constitué un canal de corruption, sinon d’influence sur les élus.

L’affaire a révélé l’étendue de l’influence des puissances étrangères dans l’Union européenne. Elle a mis en lumière le rôle déterminant des députés européens dans la prise de décision politique, en décalage manifeste avec l’absence de contrôle sur les relations entre les parlementaires et les États tiers.

Méfiance citoyenne envers les élus

Les valises remplies de billets, des noms étalés en premières pages des grands journaux belges, et l’attrait pour la Coupe du Monde de Football au Qatar auront réussi l’exploit de faire parler du Parlement européen dans les sphères citoyennes. Ces images ont mis la lumière sur les défauts de l’Union, et ses dérapages.

Environ 60% des citoyens européens ne sont pas satisfaits par les efforts menés par l’Union pour combattre la corruption. C’est 12 points de plus qu’en 2019, au début du mandat parlementaire.

Les élus, avec leur réforme, espèrent renouer le lien avec les citoyens européens, à quelques mois des élections européennes de juin 2024. De fait, ce scrutin n’attire que très peu les citoyens de l’UE. En 2019, le taux de participation plafonnait à 50,66%.

La réforme, qu’elle soit menée avec conviction ou par dépit dans les couloirs de l’hémicycle, est présentée par les élus comme la démonstration de leur attachement aux valeurs civiques et à la démocratie.

« Le vote d’aujourd’hui ne doit pas être la fin de l’histoire, » fait pourtant remarquer Gwendoline Delbos-Corfield, négociatrice des Verts sur le sujet. « Il reste encore beaucoup à faire en ce qui concerne les sanctions, les procédures pour agir sur les infractions et le contrôle des rémunérations extérieures de certains parlementaires. »

RGPD*